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23 novembre 2014 7 23 /11 /novembre /2014 19:20

Je me suis senti d'humeur litteraire aujourd'hui ..

 

Voici une nouvelle :

 

MARATHOn

 

Finir. Finir. Tenir pour finir. Il était à bout de souffle, et l’acide lui brulait les veines, transpirant à grosses  gouttes. Cette course, c’était sa vie pensait-il. Elle justifiait sa vie. Il pourrait annoncer la nouvelle au roi, la victoire de tout un peuple. L’ennemi terrassé. Foudroyante victoire.

 

Ce fut un carnage. Les Perses déferlaient par vagues, se brisant sur des murailles de soldats Athéniens. La plage était rouge, parsemée de cadavres livides et indissociables. Les généraux, fins stratèges, avaient fait du bon ouvrage. Darius le perse, avait décidé de mener une expédition punitive afin de manifester la puissance de son empire à la face du monde. De lourds bâtiments de guerre voguaient vers les cotes Grecques, sombres silhouettes se dessinant en grappe sur l’horizon. On aurait pu en compter mille. Le peuple Marathonien guettait ses prédateurs avec inquiétude, conscient de l’issu sordide de leur rencontre.

 

L’envahisseur était puissant, massif et lourdement armé. Leur science de la guerre avait ses preuves. De son coté, le peuple grec était fier et opiniâtre. A la nouvelle de la menace, les Athéniens et les Platéens levèrent leurs armées composées des plus féroces de leurs hoplites. Plus de dix mille guerriers, toutes milices confondues. A cela il fallait ajouter quelques machines de guerre,  la connaissance du terrain et la bienveillance de leurs dieux. Une fois de plus l’ennemi était aux portes, une fois de plus ils résisteraient. Ainsi  se répète l’histoire.

 

 Lorsque les proues des navires perses entaillèrent le sable, la confrontation fut instantanée. Les troupes d’archers en avant-postes décochèrent des salves de flèches incandescentes, produisant une pluie de feu dévastatrice. Cris et fureur. Les balistes perses rétorquèrent, emportant quelques vies. Autre salve, autres salves. Les guerriers aux sabres courbes, vêtus de noir, progressaient rapidement, plus motivés par la rage et l’ivresse de victoire que par la peur. Agiles, ils chaloupaient en direction de la ville, zigzaguant de couverts en couverts. Ils s’agissaient là de troupes d’élites, destinées à dégager le terrain en éclaireurs. En retrait, les archers et les balistes de Darius arrosaient la plage, couvrant leur avancée. Ils étaient nombreux. Très nombreux. Beaucoup plus nombreux que les grecs. Au loin on pouvait apercevoir la masse des fantassins se déployer, et avancer lentement, portant de fins boucliers d’ébène.

 

 A leur suite la cavalerie lourde, chevauchant des pur-sang rapides comme le vent.

 

L’ancien monde était bien au courant de la réputation des cavaliers perses. On les prétendait sans peur et sans pitié, capables de manier le sabre avec une dextérité hors pair. La rumeur les disait capables de décapiter trois soldats d’un seul geste. Ce fut maintes fois vérifié.

Mais l’intelligence athénienne elle aussi avait bonne réputation. Quelques uns d’entre eux avaient même combattu avec les perses, à une époque révolue où les deux peuples avaient encore des intérêts communs. Les généraux grecs  firent bon usage de leurs connaissances en parsemant des pieux effilés sur plusieurs kilomètres de plage, comptant ainsi priver l’adversaire de sa vélocité. Le bois des pieux fut peint en blanc, de sorte de l’ennemi ne put se rendre compte à distance du piège qui lui était tendu. Cette astuce permit aux grecs de prendre un avantage certain dès le prologue de la bataille.

Les éclaireurs perses avaient maintenant atteint les troupes postées au milieu de la plage, et commençaient à éclaircir significativement les rangs. Dans quelques minutes, le reste des troupes adverses arriverait aussi à leur hauteur et décimerait les grecs bataillons par bataillons.

Les avant-postes étaient perdus, Hadès allait accueillir les nouveaux arrivants à bras ouverts. Pour la plupart, il s’agissait d’esclaves récemment libérés. Puissent-ils trouver dans la mort la gloire qu’ils ne connurent pas durant leurs vies.

 

Les athéniens avaient fait prévenir les redoutables spartiates par un messager, afin de demander  renfort devant cet adversaire commun. Ils arriveraient après la pleine lune marquant la fin des karneia. Leur arrivée n’était donc pas imminente, quelques jours durant lesquels il faudrait tenir la position.

Les spartiates sont des brutes inhumaines, peuple psychopathe élevé dans le but de tuer et de mourir,  qu’il  vaut mieux ne  côtoyer qu’à l’ occasion de batailles. Lorsqu’ils sont en position d’alliés.  Les spartiates feraient la différence, ne laissant derrière eux que mort et désolation.

 

 Le vrombissement d’un cor se fit entendre, précédant un mouvement de repli pour l’arrière garde de l’alliance grecque qui campa une nouvelle position permettant de maintenir l’armée perse à distance, sans pour autant se mettre en péril. Cette manœuvre eu pour effet de remettre en cause la stratégie martiale de l’armée de Darius qui, privée de sa cavalerie, ne savait plus quelle tactique déployer. L’élan vindicatif fut donc brisé, remplacé par une prudence défensive. Les perses étaient au moins deux fois plus nombreux, et la supériorité numérique synonyme de victoire. A quoi bon se précipiter ?

 

Les deux armées campèrent donc sur leurs positions respectives, se faisant face  sur une plage de sable  empourpré. On pouvait à nouveau entendre le bruit des vagues.

Une nuit passa, puis une autre. Et encore une autre. Une attente interminable. Au cours de ces longues journées, chacun jaugeait l’autre, envoyait des éclaireurs ou des espions, sans pour autant savoir si le moment de lancer une attaque massive était venu.

 

Vus de l’extérieur, les perses plus nombreux auraient pu écraser la phalange grecque en provoquant une bataille rangée. La force du nombre aurait pu inonder les opposants, les cavaliers contourner la bataille et prendre l’ennemi à revers, et ce serait la fin des grecs. L’empire s’étendrait à nouveau.

Cependant, il était impossible de déployer la cavalerie et les troupes d’élite. Le reste de l’armée, bien que forte en nombre, était composé d’hommes non fédérés, amenés ici en grande majorité contre leurs grés.  Ils n’avaient reçu aucune formation guerrière, partis à la hâte. Ils ne pouvaient communiquer entre eux faute d’un langage commun, et ne servaient au fond qu’a couvrir les troupes d’élites, qui elles, précieuses, feraient des ravages. Mais l’ennemi grec n’était pas à sous estimé. Les deux peuples se connaissaient bien, force et faiblesse. Chaque hoplite entrainé à tuer et lourdement armé valait au moins trente paysans.

 

L’attente se prolongea donc. A l’aube du cinquième jour, les espions perses rapportèrent la rumeur d’un mouvement massif de guerriers spartiates aperçu à deux jours de marche du champ de bataille. Si ceux là parvenaient à rejoindre les athéniens, le sort de la bataille était scellé. La cavalerie était bloquée dans les navires et pourtant il fallait agir ou partir. L’idée humiliante de la retraite ne fut pas du gout des généraux. Une preuve de lâcheté de cette sorte pourrait résonner au quatre coin de l’empire et mettre à mal l’autorité de Darius.

Les perses avait alors pour unique atout leurs archers. Nombreux et précis, ils pourraient décimer les fantassins adverses. La nuit couvrait encore la plage et l’avancée silencieuse des archers. Ils se positionnèrent à portée de tir. Ils décocheraient en batterie, de façon à noyer l’ennemi sous un flot de traits mortels. Les soldats de mêlée se tenaient devant eux, prêts à contenir l’assaut de riposte grecque.

 

Les oiseaux ne chantaient pas encore ce matin là, pourtant un sifflement se fit soudainement entendre dans le camp athénien, aussitôt suivi de hurlements. Les flèches s’abattaient en pluie continue, cadencée, faisant chuter les hoplites les moins éveillés. Protégé par de lourdes armures, le reste des troupes se mit en mouvement.

 

Les premières minutes furent effroyables. Un réel carnage, comme l’histoire humaine en connu tant.

La vague de surprise étant passée, les guerriers perses virent des ombres se dessiner dans les ténèbres. Ils pouvaient deviner les visages écumants des hoplites, semblables à des chiens enragés. Le sifflement des flèches fut supplanté par le bruit métallique des glaives et des lances ricochant sur les boucliers ou tranchant les chairs. Et encore des cris. Hurlement de rage, de douleur, de tristesse. De joie et d’exaltation parfois. L’humanité dans son animalité la plus profonde. Vivre ou mourir. Etre à tour de rôle proie et prédateur. Sanglant dilemme. Relatif.

 

Les lignes de fantassins perses furent fracassées, devenant jouets du destin. Les athéniens frénétiques ne firent pas dans la philosophie, ni dans la pitié. Portés par le souffle d’Arès, gonflés par la haine, ils décimèrent rang après rang leurs adversaires terrifiés. Pauvres hères.

Les archers continuaient à décocher leurs flèches sans sourciller, vidant peu à peu leurs carquois. Qu’importe qu’ils pussent abattre d’autres perses. Les ordres étaient de tirer dans le tas,  et d’abattre autant de grecs que possible. Mais ils commençaient à sentir que la mêlée allait bientôt percer les remparts humains qui jusque là les protégeaient. Ils voyaient bien leurs compatriotes affolés s’enfuir en courant, terrassés par cette démonstration militaire.

Oui, les hoplites étaient redoutables, difficiles à vaincre, et terrifiants. Les rangs protecteurs s’étant disloqués, les archers commencèrent à voir le résultat du choc. Des corps ensanglantés, des corps inanimés, des bouts de corps, des corps agonisants, plus rien de sensé. Et du sang répandu à profusion.

 

L’ennemi continuait à avancer. Certains archers, à court de flèches, avaient déjà dégainé leurs sabres, en l’attente d’un combat qui semblait désormais inévitable. D’autres commençaient déjà à reculer, cherchant un moyen de retourner au plus vite sur leurs navires, attendant dans un espoir fébrile l’ordre de retraite et de reddition. Ils n’étaient que légèrement protégés par leurs armures et se savaient allant vers une mort certaine. Les troupes grecques avaient su les encercler, les attaquant par les flancs. L’armée perse se retrouvait piégée entre les mâchoires d’une tenaille qui allait tout réduire en miette. La bataille était perdue.

 

En dépit des vociférations du quartier général, les troupes se dispersèrent, lâchant les armes pour pouvoir rejoindre au plus vite la coque protectrice des trières restées accostées à proximité de la plage, ou nager au loin pour tenter la chance. Le reste de la flotte, déjà en mer, amorçait un demi-tour synonyme de répit.

 

Les guerriers grecs avaient soif de sang, et voulaient massacrer jusqu’au dernier perse de la plage. Le combat s’acheva les pieds dans l’eau.

 

 Il n’y eut pas de prisonniers ce jour là, mais une gloire légendaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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