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14 avril 2017 5 14 /04 /avril /2017 16:03

La notion, et le concept de non lieux sont trés interessant, tant ils façonnent le monde environnant. Le terme non lieux est definit par Marc Augé dans son ouvrage eponyme. Il s'agit d'un ecrit sur l'ethnologie, l'anthropologie de la surmodernité.

J'ai trouvé ce livre enrichissant. Je vous livre ici un compte rendu, melant resumé, passages du livre, et impressions personelles. Pour savoir plus precisement de quoi il retourne je vous invite à lire ce livre par vous même.

 

En attendant :

 

Marc Augé

Non-lieux (introduction à une anthropologie de la surmodernité)

 

L’Ethnologie se porte sur la question du social.

Elle s’inscrit dans le présent, et se différencie ainsi de l’Histoire. Elle étudie les interactions humaines, par rapport à leurs environnements sociaux, géographiques et historiques.

En termes de groupe, l’individu se définit par rapport à « l’autre ». L’individu est la base du social, de la société. Le plus petit élément de celle-ci en quelque sorte. L’anthropologie a également pour but d’interpréter l’interprétation qu’un groupe se fait d’un autre.

L’individu interagit avec l’autre, et se faisant, constitue différents groupes.

Le groupement d’individus ayant un trait commun produit une identité collective, basée sur des valeurs, une histoire,  en un mot une culture commune.

Celle-ci est à différencier de l’identité individuelle. Il faut noter que les cultures, ainsi définies, ne constituent jamais des totalités achevées. Elles doivent être abordées comme des constitutions en cours, des évolutions.

 

Une des clés de « Non lieux » est le concept de SURMODERNITE. La surmodernité est liée à la société de consommation, voire de surconsommation. Afin d’assouvir ses besoins, le plus souvent éphémères,  celle-ci doit produire d’importantes transformations en son sein. Ici, nous nous intéresserons a 3 types de transformations : Temporelles, spatiales, individuelles.

 

1/ transformation temporelle (p.35)

 

Forgé par l’excès, on constate une dépossession de temps. La densification des événements ayant cours durant ce dernier siècle, leur intensité (2 guerres mondiales  par exemple), et leur constant relais au public, via les media, rend difficile la possibilité d’extraire des événements de leur continuité globale. Ce que nous cherchons dans l’accumulation des témoignages, des documents, des images, des  signes visibles de ce qui fut ( P.Nora, Lieux de mémoire), c’est notre différence. Et, dans le spectacle de cette différence, L’éclat soudain d’une introuvable identité. Non plus une genèse, mais le déchiffrement de ce que nous sommes à la lumière de ce que nous ne sommes plus.

 

On constate également une accélération de l’histoire. A peine avons-nous le temps de vieillir un peu que le passé devient Histoire, et que notre histoire individuelle devient Histoire. En le sens ou, la sélection immédiate des événements ayant eu lieux au cours du siècle dernier, les transforme immédiatement en Histoire, ces événements devant être retenus, par rapport à d’autres.

Les années 60, 70,80 appartiennent déjà à l’Histoire nous dit l’auteur. En gros, à sélectionner trop d’événements comme devant être retenus, ceux-ci perdent de leurs sens.

 

2/ L’espace (p.44)

 

L’espace subit également des changements drastiques. Le progrès technique abolit l’espace, et il est tout à fait possible de traverser la planète en quelques heures. Sans parler de nos escapades, physiques ou matérielles,  dans le grand espace, sur la lune, etc… L’espace, donc, semble se reduire pour être à notre portée (NOTE : un parallèle intéressant à faire avec le modèle réduit, la maquette, dans l’art. j’y reviendrai.)

 

Paradoxalement, l’espace nous apparait aussi en excès. Les possibilités de déplacements se multipliant, nous sommes de moins en moins attachés à un lieu précis, et avons accès à un large choix de destinations.

Egalement, l’espace (virtuel) proposé par les images, relayées par les media, qui nous donne à voir des ailleurs lointains qui, même si nous n’y mettons jamais les pieds, nous semblent familier. Nous construisons nous même cette image de l’ailleurs en la mêlant à notre culture propre. Les images proposées se mélangent entre elles, indifféremment de leur nature informative, publicitaire ou fictionnelle, pour constituer un univers homogène. Ces espaces sont des leurres, et constituent donc un univers symbolique.

 

La modification concrète de l’espace, lié à la surabondance, implique la génération et la multiplication de Non lieux.

Les Non lieux se définissent par opposition aux lieux, marqués par une culture localisée dans le temps et l’espace. Ils sont aussi bien des installations nécessaires à  la circulation accélérée des biens et des personnes (autoroute, aéroports,…), que les moyens de transports eux même, ou les centres commerciaux, ou  encore les camps de transit ou sont parqués les refugiés de la planète.

 

3/ L’individu (p.50)

 

Autrement appelé ego. L’individu se définit désormais  comme un monde à part entière. Il entend interpréter par lui-même et pour lui-même les informations qui lui sont délivrées. Cette individualisation n’a rien d’étonnant. Jamais les histoires individuelles n’ont été aussi concernées par l’histoire collective.  Produire du sens par soi même est donc devenu une nécessité. Cela n’exclut  pas de produire du sens, individualisé, inconsciemment influencé par le collectif (stéréotypes, clichés, idées en vogue,…), et peut donc revêtir un coté illusoire. Prêtons également une attention aux objets, produits en masse, qui doivent devenir de plus en plus personnalisables pour donner l’impression aux individus de se réaliser à travers ces objets.

Il s’agit alors de penser et situer l’individu par rapport à ses contraintes et son aliénation ( à un systeme), et s’intéresser aux manières dont il peut s’extraire de ces contraintes, les détourner ou les utiliser pour évoluer et tracer un chemin personnel.

 

(…)

 

L’ethnologie est tentée d’identifier ceux qu’elle étudie à leurs environnements, leurs paysages, leurs frontières. Le territoire est synonyme d’identité. On parle souvent des racines d’ailleurs, pour référer à un individu, et le situer ainsi au milieu d’une tradition. Dis moi d’où tu viens je te dirai qui tu es, en quelque sorte. Le lieu est principe de sens pour ceux qui l’habitent, et principe d’intelligibilité pour celui qui l’observe. On parle de lieux anthropologiques.

Ces lieux ont au moins trois caractères en commun, ils se veulent identitaire, relationnels et historiques. Ils correspondent à un ensemble   de possibilités de prescriptions et d’interdits, de contenu spatial et social.

Ces lieux sont identitaires et relationnels puisque l’individu, le groupe la culture y naissent et l’occupent. Le lieu  est l’ordre selon lequel des éléments sont distribués dans un rapport de coexistence, une configuration instantanée de positions.

Le lieu anthropologique est géométrique et peut se résumer à une succession de figures que sont la ligne, l’intersection, et le point d’intersection. On parle de routes, d’axes, de carrefours, de ronds points, de places… L’agencement de ces figures définît l’espace, les frontières, qui situent les « uns » par rapport aux « autres ». Ces espaces peuvent s’imbriquer, se recouvrir, se juxtaposer. Nombre de ces lieux se situent par rapport au passé, se revendiquent comme uniques capitale du livre, du couteau, du nougat, de ceci ou cela, ou encore, la ville où machin est né,… Cette allusion au passé complexifie le présent.

 

 

DES LIEUX AUx NON LIEUX (p. 97)

 

Les non-lieux échappent aux principes identitaires, relationnels et historiques énoncés précédemment. Ils sont générateurs d’identité solitaire, de passage, provisoire, éphémère.  Le lieu et le non lieu n’existent jamais sous forme pure,  il y a toujours un peu de l’un dans l’autre ; dans le jeu de l’identité et du relationnel.

Lieux et non-lieux se réinventent sans cesse, et peuvent être considérés comme des polarités fuyantes : le premier n’est jamais complètement effacé, le second ne s’accomplit jamais totalement.

Les non-lieux sont pourtant la mesure de l’époque, mesure quantifiable, ne serait qu’en terme d’aires et de volumes.

 

La distinction des lieux et non-lieux passe par l’opposition du lieu à l’espace.

Pour M. De certeau, l’espace est un lieu pratiqué, un croisement de mobiles. Ce sont les piétons qui transforment en espace la rue géométriquement définie comme lieu par l’urbanisme.

 

A cette mise en parallèle correspondent plusieurs références :

 

1/Merleau Ponty distingue de l’espace géométrique l’espace anthropologique, comme espace existentiel, lieu d’une expérience de relation au monde d’un être essentiellement situé en rapport avec un milieu. (figure géométrique/ mouvement)

 

2/ référence à la parole. L’espace serait au lieu ce que devient le mot quand il est parlé, c'est-à-dire quand il est saisi dans l’ambigüité d’une effectuation, mué en un terme relevant de multiples conventions, posé comme l’acte d’un présent et modifié par les transformation dues à des voisinages successifs. (mot tu/ mot parlé)

 

3/ Le récit comme travail qui incessamment transforme des lieux en espaces, ou des espaces en lieux, et distingue le « faire » et le « voir ». Le récit compose avec la double nécessité de faire et de voir.

De certeau place le récit comme une délinquance, car il traverse transgresse et consacre le privilège du « parcours » sur « l’état ». (parcours/état)

 

Le lieu tel qu’on le définît ici, n’est pas exactement celui-ci. C’est plutôt le lieu du sens inscrit et symbolisé, le lieu anthropologique. La notion d’espace telle qu’elle est utilisée aujourd’hui semble pouvoir s’appliquer utilement, du fait même de son absence de caractérisation, aux surfaces non symbolisées de la planète. Le terme espace est plus abstrait que celui de lieu. Il s’applique indifféremment à une étendue, une distance entre 2 choses, ou à une grandeur temporelle.  (…)

On voit bien que par non lieux nous désignons deux réalités distinctes et complémentaires : des espaces constitués en rapport à certaines fins (transport, commerce,…), et le rapport que des individus entretiennent avec ces espaces. Si les deux se recouvrent (les individus voyagent, achètent,…), ils ne se confondent pas,  car les non lieux genère  tout un ensemble de rapports, à soi et aux autres, qui ne tiennent qu’indirectement à leurs fins propres (commerce par ex.). Les lieux anthropologiques créent du social organique, les non lieux créent de la contractualité solitaire.

 

Les non lieux de la surmodernité (contrairement à des lieux imaginés par exemple) ont ceci de particulier qu’il se définissent aussi par les mots, sous forme de mode d’emploi (tirez, poussez, prenez la file de droite,… ) de façon prescriptive, prohibitive ou informative, et qui a recours à des idéogrammes pour parfaire le tout, et lui donner une dimension « universelle ». Ainsi, les conditions sont propices à la circulation dans ces espaces, où les individus sont censés n’interagir qu’avec des textes, sans interlocuteur réel (la fonction des guichetiers par exemple, l’emporte sur leur valeur en tant qu’humains).

On assiste à un envahissement  de l’espace par le texte, texte qui devient, à des degrés différents, écho d’une autorité systématique  incontestée et sans visage. Ce sont ces injonctions qui façonnent « l’homme moyen », l’utilisateur, et le contrôlent.

Cet utilisateur peut emprunter ces non lieux d’une manière quasi contractuelle, puisqu’il doit rendre constamment compte de son utilisation de ces non lieux pour pouvoir y accéder et s’en servir : décliner son identité, la faire vérifier, payer, montrer son billet, suivre les indications (pas de comportement suspect) …  D’une certaine manière, il est tenu de prouver son innocence.

L’espace du non lieu délivre son utilisateur  de ses déterminations habituelles. Il plonge dans le provisoire et l’anonymat, la  désidentification.   Il se retrouve face à lui-même.  Le non lieu ne crée ni identité singulière, ni relation, mais solitude et similitude.  Faire comme les autres pour être soi. C’est également, en ces lieux, le règne du présent.

 

 

L’expérience du non lieu est aujourd’hui une composante essentielle de toute existence sociale.  Le repli sur soi est devenu un mode de vie. Jamais les histoires individuelles n’ont été autant mêlées  à l’histoire générale.  A partir de là, toutes les attitudes individuelles  sont concevables : la fuite ( chez soi, ailleurs), la peur (de soi, des autres), mais aussi l’intensité de l’expérience (la performance), ou la révolte (contre les valeurs établies) Il n’y a plus d’analyse sociale qui puisse faire l’économie des individus, ni d’analyse des individus qui puisse ignorer les espaces par lesquels ils transitent.

 

Un jour peut être, un signe viendra d’une autre planète. Et, par un effet de solidarité, l’ensemble de l’espace terrestre deviendra un lieu. Etre terrien signifiera quelque chose. En attendant, il n’est pas sûr que les menaces qui pèsent sur l’environnement y suffisent. C’est dans l’anonymat du non lieu que s’éprouve solitairement la communauté des destins humains. Il y aura donc place demain, et il y a peut être déjà place aujourd’hui, malgré la contradiction apparente des termes, pour une ethnologie de la solitude.

commentaires

L
J'ai lu votre texte avec curiosité. Je dirais à mon tour qu'avant d'attendre des signes d'autres parties de l'univers, il nous reste beaucoup à recevoir et à connaître de notre planète et de ces peuples. "Si l'on n.a pas visité deux marchés, on ne peut pas savoir lequel est le meilleur." Je vous invite à me lire au sujet de Marc Augé en cliquant sur mon nom (critique acerbe...). Bien à vous
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A
J'ai lu votre texte egalement. je ne connais pas l'interview d'origine. Le condensé que j'ai publié concerne les non lieux, c'est un sujet que je trouve interessant et ce qu'en dit Marc auge me semble pertinent. <br /> Je n'ai pas lu son bouquin sur la religion, et donc je ne peux me faire une opinion tranchée sur ce qu'il dit à ce sujet. <br /> <br /> Pour le reste, je n'en sais pas plus que mon humble avis. <br /> Pour moi, la "religion" est un sujet tres vif et vaste dont personne ne peut se targuer d'en connaitre l'essence ou quelque verité profonde.<br /> il existe divers types de religion, il existe divers types de croyants, il existe divers types d'analystes ... <br /> <br /> Au delà du rapport au divin, la religion est aussi un "projet" de societe, un guide de civilisation qui cherche a inculquer un mode de vie qui permette au plus grand nombre de cohabiter en harmonie,. Mais quelque chose d'important a dû etre perdu en route pour que le monde actuel se dechire à ce point. <br /> C'est un sujet trop vaste, pluriel, et empli d'enjeux de toutes sorte pour rester raisonnable. Toutes les religions ont en partie été utilisées a des fins politiques, des luttes de pouvoir et d'auto-preservation completement deconnectées de leur substance primordiale... <br /> De ce fait, je pense que la religion n'est pas generatrice de violence, mais plutot support de violence et pretexte à des luttes de pouvoirs, en depit des principes generaux d'amour, de generosité et de compassion qui sont aux fondement communs des religions monotheiste et probablement d'autres.<br /> <br /> Si il n'y avait pas de religions, la violence existerait tout de meme, je crois. Outre la religion, elle prend d'autres supports de discorde. <br /> C'est un truc humain, la violence, un reflexe de survie mal géré, mal compris. Une relique des temps premiers de l'humanité. <br /> Il est difficile de s'en defaire ... violence, colere, jalousie, manque ... En un seul mot : peur. <br /> <br /> Chacun est libre de concevoir le divin, ou son absence, comme il l'entend. Personne en ce monde n'en sait defitivement rien.<br /> Comment pourrions nous, êtres humains au raisonnement limité et fini, comprendre quoique ce soit à l'infini, à l'espace, au temps dans son entiereté ? Nos perceptions elles- meme du monde qui nous entoure nous bercent parfois d'illusions, et nous ne saisissons qu'un infime partie de cette environemment ou nous evoluons. Sans quoi nous sombrerions probablement dans la folie...<br /> <br /> Voici une histoire que l'on m'a raconté... trois aveugles discutent au sujet d'un elephant. <br /> Ils cherchent à definir ce à quoi ressemble un elephant. Le premier ayant touché la trompe, dit que l'elephant a une forme de trompe. Le second suit le même raisonnement et affirme que l'elephant a une forme de defense. Le troisieme pense que l'elephant à une forme de patte. Chacun campe sur sa position refusant d'ecouter les autres. Pourtant, tous trois ont raison ... Mais ne percoivent qu'une partie du tout. <br /> <br /> Peut être que l'acceptation d'une telle idée serait un bon debut. Que chacun pense et croit ce que bon lui semble, à sa manière, en paix avec soi meme et avec les autres, dans le respect mutuel. Ecouter sans chercher à imposer un point de vue. <br /> Laisser plus de place au "peut être." <br /> <br /> J'espere profondemment que tout cela s'equilibrera rapidement et en douceur. Cordialement<br />

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